« Nous nous dépouillons des mots en parlant. »
Valère Novarina[1]
J’ai perdu des biens et je suis en train de gagner des vides en retour, des absences. Je dors mieux, respire mieux. Non pas que les avoirs soient source de souffrance, mais parfois ils sont des trop-pleins qui empêchent les passages, les ouvertures pour la venue de l’insoupçonnable. Car il s’agit toujours de faire advenir quelque chose d’inédit.
La parole surprend toujours celui qui la porte. Les mots ne sont pas des missives qu’on lance dans le monde, l’autre une simple machine à décoder. Ça ne se rend jamais directement à l’autre et très souvent ça passe à côté, bref ça ne coïncide pas ; c’est pourquoi je parle encore. Les mots font toujours défaut. Et quand le discours se fait très (trop) clair, il ne me dit rien.
J’ai lu ce que j’ai écrit hier à un ami. Il avait aussi écrit quelque chose qu’il m’a lu. On parlait ensemble des mêmes choses. Mais de quoi parlait-on ensemble ? Du rien, de la difficulté d’être, de l’histoire qu’on avait ensemble qui n’était presque plus une histoire puisqu’elle ne pouvait se raconter. Un moment, nous étions tout ouverts à ce qui s’ouvre en nous et qui n’est pas nous, bien que n’existant pas Ailleurs qu’en nous. Les mots nous accompagnaient dans notre méditation.
Être avec l’autre, c’est savoir lui échapper en restant à ses côtés.
[1] Valère Novarina, Devant la parole, Paris: P.O.L., 1999, p.30.
A reblogué ceci sur La tentation d'écrire.
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Un texte magnifique
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