L’atelier (2016)

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Une vue de l’atelier.

L’un : Quand je viens ici, il n’y a personne.

L’autre : Personne? Pas même un chat?

L’un : Personne, sinon ceux que je choisis d’inviter le temps d’un café.

L’autre : L’atelier est-il ta « chambre à soi »?

L’un : Ce n’est pas chez moi, ni non plus un lieu anonyme. C’est quelque part entre les deux.

L’autre : Que se passe-t-il entre les deux?

L’un : Je me dépose.

L’autre : Et à l’extérieur de ce lieu?

L’un : À l’extérieur de l’atelier, les frontières entre moi et l’autre, entre moi et le monde se brouillent, comme si l’extérieur entrait à l’intérieur au point où parfois je ne sais plus qui je suis, ni où ni vers qui je vais.

L’autre : Dans l’atelier le dehors retrouve son extériorité?

L’un : La fusion n’est plus possible. C’est comme si le dehors retrouve sa distance nécessaire pour que le dedans me permette de tenir debout.

L’autre : Mais ce qui te permet cette distance ce n’est pas uniquement le lieu, c’est ce que tu y fais.

L’un : Le lieu existe par ce que j’y fais.

L’autre : Mais que fais-tu dans ce lieu?

L’un : J’y fais l’essentiel.

L’autre : Et cet essentiel passe par la peinture, le dessin ou encore l’écriture?

L’un : J’y fais ce qu’on ne peut pas faire ailleurs que dans ce lieu : se détacher de l’autre pour revenir à soi et retourner vers l’autre par de là quelque chose qu’on fait et qu’on ne saurait nommer sans la trahir.

L’autre : Tu y construis un monde?

L’un : J’essaie de le préserver tout simplement. J’y dis ce qui ne peut pas se dire autrement.

L’autre : Tu le fais pour toi?

L’un : D’abord, mais je le donne aussi.

L’autre : Une fois que c’est terminé?

L’un : Une fois que ce que j’ai fait ne m’appartient plus. Là je peux le donner.

L’autre : À quel moment ce que tu fais ne t’appartient plus?

L’un : Quand j’ai l’impression d’avoir dit ce que j’avais à dire. Ce que j’aime en peinture, c’est de la voir apparaître. Une fois qu’elle est là, sèche et solide, je m’en désintéresse et veux en faire une autre, juste une autre encore pour voir ce qui pourrait arriver.

L’autre : Et dans l’écriture?

L’un : Quand le souffle s’arrête. C’est le souffle qui fait apparaître le sens. Sans le souffle qui porte l’écriture, le sens n’existe pas.

L’autre : Tu arrêtes quand la respiration cesse.

L’un : Oui, tout à fait.

 

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